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Publication PowerPoint Delépine - 2006
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Progrès et stagnation dans le traitement médical des ostéosarcomes
G. Delepine,
Nicole Delepine
Progrès et stagnation dans le traitement médical des ostéosarcomes
Il y a 30 ans la chirurgie pour sarcome d'un membre se résumait à l'amputation.
Ostéosarcome du fémur inférieur : amputation de cuisse |
Ostéosarcome du fémur supérieur : désarticulation de hanche |
Sarcome du cotyle traité par désarticulation interilioabdominale
Ostéosarcome du fémur supérieur : désarticulation de hanche |
Le faible taux de guérison obtenu ne justifiait guère les mutilations réalisées.
histoire naturelle
- La survenue de métastases malgré l'amputation immédiate, même réalisée avant la biopsie, prouve que l'ostéosarcome de haut degré de malignité est une maladie diffuse d'emblée dans plus de 85 % des cas.
- La diffusion métastatique constitue la cible thérapeutique prioritaire.
Mise au point de la chimiothérapie de l'ostéosarcome de haut degré de malignité
1. Recherche des drogues actives administrées seules.
2. Administration d 'association de chimiothérapie postopératoire
3. Principes de la chimiothérapie préopératoire. Risques potentiels.
Sélection des drogues actives
Celles dont le "taux de réponse objective" est le plus élevé :
- Pourcentage suffisant de malades porteurs de métastases ayant présentant une "réponse objective" à la drogue administrée seule.
- Diminution d'au moins 50% des lésions mesurables pendant au moins 3 mois.
Taux de réponses objectives des principales drogues actives sur les métastases pulmonaires de l'ostéosarcome
Polychimiothérapies adjuvantes
- L'absence d'amélioration du taux de survie des malades métastatiques traités par monothérapie a imposé.
- des poly chimiothérapies
- associant les drogues les plus actives, après exérèse de la tumeur primitive même en l'absence de métastases visibles.
- Les premières associations ont utilisé les produits disponibles dans les années 70.
Principes de la chimiothérapie préopératoire du protocole T10 de Rosen
Afin d'utiliser la tumeur primitive comme antimitogramme in vivo, permettant de guider le traitement :
- Détermination de la dose de Méthotrexate optimale d'après la réponse clinique de la tumeur lors de la phase pré-opératoire.
- Adaptation de la chimiothérapie postopératoire à la réponse histologique observée sur la pièce de résection.
Rosen G., marcove R.C., Capparos B., and coll. (1979). Primary osteogenic sarcoma. The rationale for preoperative chemotherapy and delayed surgery. Cancer, 43, 2163-2177.
Années 80 : La chimiothérapie est-elle utile ?
Pour Jaffe, Rosen et les partisans de la chimiothérapie, la comparaison aux séries historiques prouvait l'efficacité de la chimiothérapie.
Tout essai chimiothérapie contre rien leur paraissait inutile scientifiquement et moralement condamnable.
Les réactions initiales
Les "trop bons" résultats de G. Rosen (1979) sur les ostéosarcomes localisés avec son idée d'utiliser systématiquement la chimiothérapie en préopératoire ont alimenté de nombreuses controverses.
Rosen G, Marcove RC, Caparros B et al. Primary osteogenic sarcoma. The rationale for preoperative chemotherapy and delayed surgery. Cancer, 1979 ; 43 : 2163-77
Pour les partisans des essais randomisés (clinique Mayo et National Cancer Institute)
- amélioration du pronostic des ostéosarcomes en partie spontanée
- et en partie lié au dépistage plus précoce des petites métastases grâce aux nouvelles techniques d'imagerie médicale.
- Les chiffres rapportés par Rosen ne leur paraissaient pas probants.
Essai randomisé MIOS
- Les sceptiques l'ont emporté transitoirement : un essai randomisé chimiothérapie contre rien a été ouvert en juin 1982.
- La seule concession aux droits des malades, imposée par la crainte de plainte a été la communication des résultats rapportés par Rosen et le libre choix des malades d'être tirés au sort ou de choisir leur bras thérapeutique
- 113 malades ont été inclus avant août 1984.
Rôle de la chimiothérapie sur le taux de survie en première rémission complète essai MIOS
Link M.P. The effect of adjuvant chemotherapy on relapse free survival New Eng J M 1986 ,314:1600-6
Conséquences de l'essai MIOS
- Ainsi l'essai randomisé MIOS débuté en 1982
- A confirmé la nécessité de chimiothérapie dans le sarcome ostéogénique
- Sacrifiant malheureusement les patients tirés au sort ou ayant choisi le bras chimiothérapie
- Retardant d'autant la pratique systématique de la chimiothérapie dans l'ostéosarcome jusqu'à la publication de l'article en 1986
L'intérêt de la chimiothérapie avait été nié
- celui du type de chimiothérapie adéquate
- va alimenter de nouveaux essais randomisés qui durent encore en 2006 malgré la confirmation des résultats de Rosen à long terme
- et la reproduction de ses résultats par les équipes qui ont appliqué rigoureusement son protocole dans tous ses détails
Protocoles Rosen : corrélation dose MTX/ %DFS
La diminution de dose de méthotrexate du T7 et T10 au T12 de 240 à 96 grammes/m² a fait passer l'espérance de guérison de 84% à 65%.
Points clefs du protocole T10 de Rosen
- Chimiothérapie préopératoire courte (moins de 5 semaines par le méthotrexate haute dose)
- Doses de méthotrexate adaptées dès la deuxième cure à la réponse clinique de la tumeur (diminution objective de la chaleur locale, de la tuméfaction, de la circulation collatéale en regard de la tumeur)
- Hydratation per os dès la fin de la perfusion pour éviter une élimination trop rapide du méthotrexate, évitant les perfusions prolongées pendant plusieurs jours qui noient le méthotrexate (déjà démontré par Jaffe dès les années 1975 sur les métastases pulmonaires d'ostéosarcome)
Trois essais randomisés ont tenté de démontrer
l'intérêt des fortes doses de MTX
L'essai de l'IOR l'a démontré. Deux autres essais multicentriques ont conclu que le HDMTX n'était pas utile !
Bacci g., Picci P., Ruggieri P. et coll. "Primary chemotherapy and delayed surgery for osteosarcoma of the extremities." Cancer 65, 2539-2553, 1990
Intérêt du dosage de la méthotrexatémie en fin de perfusion et de la dose totale de méthotrexate donnée sur l'ensemble du traitement
- Intérêt du dosage de la méthotrexatémie en fin de cure confirmée par l'étude du Rizzoli en 1990
- Corrélation entre les chances de survie en rémission à long terme (guérison)confirmée par la méta-analyse de Delepine, Rosen et Bacci publiés dans Cancer en 1996
L'intérêt des taux élevés de méthotrexatémie a été découverte dans deux études pilotes monocentriques (celle de l'IOR et la nôtre)
Bacci g., Picci P., Ruggieri P. et coll. "Primary chemotherapy and delayed surgery for osteosarcoma of the extremities." Cancer 65, 2539-2553, 1990
Corrélation survie / Intensité de dose de méthotrexate
L'intérêt du Méthotrexate réellement haute dose a été confirmé par la macro-analyse de
tous les essais randomisés ou non, unicentriques ou multicentriques jusqu'ici publiés sur
le sujet.
Delepine, Rosen ,Bacciet coll Influence of methotrexate dose intensity on outcome of patients with
high grade osteogenic osteosarcoma. A literature analysis, about 1909 cases. Cancer, 1996, 78 : 2127-35.
Comment trouver la dose suffisante de méthotrexate à donner à un patient pour optimaliser ses chances de guérison ?
- Outre la réponse clinique indispensable dont l'insuffisance doit obligatoirement faire augmenter la dose lors de la cure suivante (de 2g/m² par cure)
- Delepine et al ont attiré l'attention dès 1986 sur l'intérêt du dosage de méthotrexatémie en fin de perfusion
- La méthotrexatémie doit être supérieure à 1000 micromoles par litre pour une perfusion en six heures
- Supérieure à 1350 pour une perfusion en quatre heures
Analyse des principaux essais de la littérature sur le traitement de l'ostéosarcome
Institut Rizzoli 1960-1988 Progrès réalisés
Ostéosarcome : Essais multicentriques américains vs Rosen
Ostéosarcome : espoir de rémission à 5 ans. Essais EORTC-EIO versus Rosen
Conclusions
- depuis 25 ans la pratique d'essais multicentriques sur l'ostéosarcome :
- n'a pas permis d'apporter une quelconque idée nouvelle utile au traitement
- a ralenti la diffusion des progrès apportés par les études monocentriques de pointe (qu'il s'agisse de la chirurgie conservatrice ou de la pratique du HDMTX)
- n'a pas permis aux malades de bénéficier du meilleur traitement connu mais a en moyenne diminué leurs chances de guérison de plus de 20%.
Perpectives
- le traitement actuel de l'ostéosarcome nous parait reposer aujourd'hui comme il y a 20 ans sur les dérivés du protocole de Rosen :
- chimiothérapie par méthotrexate haute dose courte (moins de cinq semaines) et adaptée à la réponse clinique et pharmacologique
- Chirurgie monobloc extratumorale
- Chimiothérapie postopératoire longue donnant une dose totale minimale de méthotrexate de 240 g/m² renforcée par l'apport des autres drogues très efficaces dans cette maladie (anthracyclines, platines et ifosfamide)
Perspectives nouvelles
- En ce qui concerne les malades résistants
- Il faut envisager d'utiliser de nouvelles drogues
- Malheureusement les stratégies recourant aux greffes de cellules souches ne semblent pas améliorer les résultats.