Impact de la loi du 4 mars 2002 sur les relations médecins patients, la qualité des traitements proposés et le choix des médicaments.
Histoire de la loi dite Kouchner suite arrêt Perruche
"Les fautes commises par les médecins et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec la patiente avaient empêché cette dernière d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap.
Celui-ci pouvant dés lors demander la réparation du préjudice de ce handicap causés par les fautes retenues" (Assemblée Plénière, 17 novembre 2000).
Il ressort de cette décision que l'enfant peut demander la réparation de son préjudice lequel consiste à être né handicapé.
La Cour de Cassation, malgré l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique en date du 29 mai 2001 a confirmé fortement sa position par trois arrêts en date des 13 juillet 2001 (un arrêt) et 28 novembre 2001 (deux arrêts).
Devant la résistance de la Cour de Cassation, la représentation nationale a décidé de légiférer essentiellement d'ailleurs pour des problèmes d'éthique en promulguant le principe que la seule action admise par le droit serait celle des parents de l'enfant né handicapé, en cas de faute caractérisée et exclusivement pour la réparation de leur préjudice moral (article 1er de la loi du 4 mars 2002).
La loi du 4 mars 2002 est donc une loi de conciliation visant à régler les excès de l'arrêt Perruche.
La prise en charge de l'enfant handicapé relève exclusivement de la solidarité nationale.
La loi du 4 mars va développer les droits du patient pour calmer la donne
Les droits du patient :
1. Droit à la protection de la santé : l'article L 1110-1 du Code de la Santé Publique.
2. Droit à l'égalité d'accès aux soins en fonction de la santé : l'article L 1110-5.
3. Droit au respect de la dignité du patient. L'article L 1110-2 du Code de Santé Publique dispose que : "La personne malade a droit au respect de sa dignité".
L'article 16 du code civil rappelle que "La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie".
L'article 16-1 du Code civil expose que "Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial".
4. Le droit à la non discrimination.
5. Le droit de ne pas souffrir.
Le droit des personnes en fin de vie a été modifié par la loi du 4 mars 2002 qui pose le principe de l'interdiction des actes poursuivis par une obstination déraisonnable.
La loi donne une définition desdits actes en retenant qu'ils sont ceux qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.
Le droit à l'information
Le droit à l'information repose sur le principe fondamental de la responsabilisation du malade en tant qu'acteur de sa santé.
Poursuivant les évolutions jurisprudentielles antérieures, la loi poursuit l'objectif d'information du patient, seul critère de garantie d'un consentement éclairé. La loi identifie très clairement le débiteur de l'obligation d'information :
- le médecin,
- le prescripteur et l'exécutant,
- le généraliste et le spécialiste,
le chirurgien et l'anesthésiste.
La loi précise encore l'objet de l'information.
SECRET MEDICAL
9. Le droit au respect de la vie privée. La loi nouvelle pose le principe selon lequel "Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant".
Ce principe signifie que seul le patient décide ou non de délivrer des informations médicales le concernant. Ce principe connaît un certain nombre d'exceptions.
La loi de mars 2002 a entre autres renforcé le droit des patients au consentement éclairé déjà mis en exergue pour les essais thérapeutiques par la loi de 1988 dit Huriet Serusclat.
A priori cette évolution paraissait nécessaire favorable dans le cadre de la "démocratie sanitaire" que la plupart des Français souhaitaient.
Une décennie plus tard nous évaluons dans notre pratique quotidienne les conséquences de cette Loi
Dans le cadre des essais thérapeutiques en cancérologie par exemple elle n'a pas changé grand-chose. Certes les patients ou leurs parents signent un consentement plus détaillé mais où ne figurent toujours pas la rémunération des médecins et/ou de l'hôpital qui les emploie, ni les conflits d'intérêt entre les médecins chercheurs, le laboratoire investigateur (plus de 90% des essais) ni leurs liens avec les choix thérapeutiques.
Essais thérapeutiques
Le patient n'est pas en état de dépister ces conflits et ne peut qu'entendre que ce que son médecin (avant tout chercheur), lui propose.
Il ne peut guère imaginer que le traitement proposé, essai ou protocole dit de façon plus pudique ne pourrait pas être celui qui lui donne le maximum de chances de survie.
Donc dans la grande majorité il accepte et ce n'est pas du patient que l'on doit attendre une meilleure lisibilité des essais thérapeutiques, une meilleure transparence.
Le patient veut être soigné et attend encore en 2011 des soins consciencieux attentifs et adaptés aux données actuelles de la science comme l'exigeait l'Arrêt Mercier de 1936 qui instaura véritablement la relation contractuelle entre un patient et un médecin.
Exit l'arrêt Mercier disent déjà les juristes
Cour de cassation, 20 mai 1936, arrêt Mercier.
"L'obligation de soins découlant du contrat médical et mise à la charge du médecin est une obligation de moyens ; le médecin ne pouvant s'engager à guérir, il s'engage seulement à donner des soins non pas quelconque mais consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science".
Plus de médecine individuelle
Des équipes bien opaques qui décident, dont le nombre de participants témoignerait de la qualité alors que dans les réunions c'est comme de toute éternité le mâle dominant, celui qui nomme qui embauche ou celui qui sait parfois, qui décide.
Exit de la qualité améliorée par les réunions de concertation multidisciplinaire qui pour la plupart ne servent qu'à remplir des cases pour justifier que le patient entrera bien dans les protocoles imposés par les référentiels décrétés par des "experts" de la HAS selon la nouvelle évangile médicale, la fameuse EBM "evidence base medicine" traduite non sans perfidie par "médecine des preuves". Preuve de quoi, de perversité ?
Au bout de quelques semaines de traitement certains patients qui ont eu le temps de digérer leur diagnostic, de se renseigner (sur internet souvent), auprès de médecins de leur connaissance qui sous le sceau du secret leur révèle le "nouveau système" échappent au système cherchent d'autres façons de soigner quelques ilots d'ancienne médecine individualisée, adaptée à chacun ou le consentement éclairé reprendra un sens.
Enfin le croit-on, au début
Mais confiance perdue avec le monde médical ne se rattrape pas. Malgré des relations initiales souvent bonnes nos assistons de plus en plus à une recherche échevelée de traitements en tous genres qui font renoncer certains d'entre eux à des schémas de traitement éprouvés gages de meilleures chances de guérison.
Les interférences permanentes dans le traitement quotidien nuisent à la cohérence du traitement faisant prendre des risques inopportuns.
Celui-ci refuse une transfusion, un antibiotique, celui-la un type de voie d'abord.
Interférences
Celui là exige des facteurs de croissance ou réclame tel nouveau médicament miracle vu à la télévision.
La pratique quotidienne de la médecine hospitalière ressemble à des discussions de marchands de tapis qui épuisent les médecins et le personnel soignant souvent impliqué et fait perdre souvent de vue l'essentiel.
La perte de base de confiance globale en est très certainement l'origine.
Les conséquences sont délétères : traitements refusés, repoussés, acceptés trop tardivement, interrompus trop vite.
L'influence d'une nébuleuse de médecine "complémentaire"
teintée de naturopathie, de nutrition quand ce n'est pas de voyeurisme aggrave cette tendance.
La médecine a perdu la confiance des patients, d'autres s'engouffrent dans le trou béant.
Ainsi la Loi Kouchner, loi de conciliation pour patients et médecins après avoir été un grand espoir n'aboutit qu'à une plus grande confusion où la perte de la notion individuelle de décision médicale s'oppose à la responsabilité médicale de plus en plus mise en cause avec la judiciarisation de la médecine.
Dangers
La plupart des médecins se cachent derrière les référentiels obligatoires sans chercher à les contourner de peur des ennuis tant administratifs que judiciaires.
Il faut jeter la nouvelle évangile de la médecine, l'EBM revenir à une médecine, clinique d'abord, individualisée, à une recherche médicale individuelle et ne laisser aux essais cliniques que la place qu'ils méritent encadrés par la recherche institutionnelle et non plus par les laboratoires privés.
Une révolution est à faire car la médecine des "preuves" a perverti
l'enseignement, la recherche, la pratique clinique depuis trois décennies.
Un long chemin est à parcourir pour regagner la confiance des patients et pouvoir à nouveau exercer la médecine dédiée à chaque patient sans l'interférence permanente de la nébuleuse qui tourne autour des patients et de leurs familles et amis, de leur réseau social.
A titre d'exemple les conséquences dans la pratique chirurgicale
Le désir de réparer les dommages subis par les malades est louable mais encore faut il peser les conséquences.
Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions...
Infection nosocomiale
Alors que les germes retrouvés proviennent dans plus de 70% des cas du patient.
La survenue d'une infection nosocomiale entraîne la mise en cause systématique du chirurgien et de l'établissement hospitalier.
La mort au bloc ou dans les suites immédiates d'une opération est un drame humain.
Trop facilement attribué uniquement à l'opération. Sa survenue motive trop souvent une plainte sans que l'on considère suffisamment le contexte et en particulier la maladie qui a justifié l'opération.
Le dilemme du chirurgien
Si une intervention risquée réussit il recevra les remerciements de la famille. Si l'intervention échoue il risque de se retrouver devant le juge.
Doit-il traiter le malade en son âme et conscience ou doit il prévenir son risque juridique?
Exemple des tumeurs cérébrales évolutives
Sans opération une tumeur évolutive entraîne la mort dans 95% des cas. La chirurgie de ces tumeurs permet d'en guérir un tiers.
Un autre tiers récidive, mais 20% des malades ne survivent pas à l'intervention.
Que doit décider le chirurgien :
Opérer le malade et risquer une mise en cause judiciaire dans 20% des cas ?
Ou confier le malade aux médecins (en lui diminuant ses chances de guérison de 20%).
Exemple des fractures de jambe instables
Une telle fracture peut consolider par plâtre mais au prix habituel d'une déformation inesthétique et souvent gênante pour le malade qui demandera souvent une opération secondaire (beaucoup plus difficile et risquée mais mieux payée et peu exposée aux plaintes).
La chirurgie permet d'éviter les déformations mais expose à 5% d'infection aboutissant à la mise en cause du chirurgien.
Exemples des sarcomes osseux
La chirurgie représente le traitement local indispensable.
L'amputation n'améliore pas les chances de guérison mais est plus simple, et expose à moins de complications (2% d'infection).
La chirurgie conservatrice améliore la fonction et la vie du malade mais est suivie de beaucoup plus d'infection (8% à 30% selon les séries).
Conséquences pour les malades
Aux USA on n'opère presque plus les fractures de jambe en urgence.
Très peu les tumeurs cérébrales (la maladie qui tue le malade ne risque rien des juges).
Le chirurgien est incité à prévenir son risque juridique plutôt que de traiter le malade.
Le mieux est l'ennemi du bien
Les patients devraient prendre conscience de l'interférence du risque juridique très aggravé dans le choix des indications médicales et chirurgicales.