Atlantico Février - 2014
Voir la version PDF de cette publication :
| Publication sur le site du média :
Et si, au lieu du cancer, c'était au traitement que vous aviez 'survécu' ?
Nicole Delépine
Et si, au lieu du cancer, c'était au traitement que vous aviez "survécu" ?
C'est aujourd'hui le 4 février que se déroule la Journée mondiale de lutte contre le cancer. La maladie fait l'objet de toutes les attentions, notamment en matière de dépistage. Au risque parfois d'entraîner des traitements excessifs altérant souvent de manière irréversible la qualité de vie.
Nicole Delépine :A force de multiplier les dépistages de tous types, nous allons tous devenir des survivants du cancer !
Pendant des décennies, il a été affirmé péremptoirement et sans preuve scientifique que plus le diagnostic d'un « cancer » était précoce plus on avait de chances d'en guérir. Cet argument était peut être vrai dans les années 60 lorsque le traitement se résumait à la chirurgie et qu'on ne guérissait guère plus de 30% de malades mais il ne l'est pas aujourd'hui. Le dépistage organisé a transformé des monceaux de gens normaux, chez lesquels on a trouvé quelques cellules malignes, en cancéreux. Ils ont subi examens complémentaires, opérations et traitements médicaux (chimiothérapie) et/ou radiothérapie et ont été ensuite déclarés « guéris ». Cela a permis de faire croire à une épidémie galopante du cancer et en même temps aux progrès rapides de la médecine puisque le taux de guérison des cancers augmentait également très vite (on guérit facilement les cancers qui n'évoluent pas). Beau doublé !
Vive la médecine toute puissante qui ouvre des marchés juteux pour des quantités de professions diverses.
Quant aux Politiques, la peur du cancer en pleine épidémie détourne l'attention et leur permet de faire et décider ce qu'ils veulent. La peur, moteur des politiques théorisée comme telle depuis Machiavel (et utilisée bien avant) !
Ainsi pendant qu'on « vend » aux Français le plan cancer censé protéger le bon peuple de ce fléau, les gouvernements successifs démantèlent progressivement la sécurité sociale de 1945 et remettent les clefs des assurances sociales au privé et surtout aux réseaux fermés.
Ceci va permettre de vous soigner en fonction de ce que vous aurez préalablement « contracté » avec votre complémentaire.
Ils détruisent le système de santé à toute vitesse, démoralisent, démotivent médecins et soignants. Pendant ce temps-là des artistes choisis sur leur charisme vous parlent (en toute sincérité je l'espère) du dépistage du cancer du sein ou du colon sur des spots télévisés (que vous payez avec vos impôts). Octobre rose vous cache la misère des hôpitaux, le cynisme d'une grande partie des acteurs de la recherche médicale qui vous intégrera de force dans les essais thérapeutiques dès qu'on aura réussi à vous trouver une tumeur maligne (et même de plus en plus souvent y compris si la tumeur est bénigne). On n'arrête pas le progrès des bénéfices..
Ainsi cet excellent article souligne que beaucoup de personnes qui croient avoir survécu au cancer n'ont en fait survécu qu'aux traitements inutiles qu'on leur a administrés. C'est d'ailleurs pourquoi aux USA après avoir parlé d'un baby boom dans l'après deuxième guerre mondiale, le « cancer survivor papy boomer » devient la préoccupation croissante des assurances.
Les générations nées après 1945, les baby-boomers de l'époque sont devenus des « papys » et les plus soumis aux dépistages du cancer, du cholestérol, du diabète, de la dépression etc.
Parmi toutes ces pathologies –on finira bien par en trouver une – ou plusieurs qui permettront de leur prescrire les médicaments nouveaux qui vont les rendre « beaux, jeunes » et surtout éternels ! De fait ils rendront riches ceux qui auront si bien su convaincre la population via émissions télévisées, articles de journaux etc de la nécessité d'avaler toutes ces drogues.
Les auteurs insistent sur le fait trop souvent oublié, ignoré ou caché : le cancer n'est pas une maladie unique et homogène. Le générique « cancer » regroupe toutes sortes de tumeurs d'évolutions variées et au sein d'une même tumeur l'hétérogénéité règne. Si certaines menacent la vie par leur évolution rapide et justifient des traitements lourds, d'autres sont quiescentes durant des années, voire des décennies. Elles ne donneront aucun trouble et ne seront éventuellement découvertes qu'après la mort pour une autre cause si une autopsie est réalisée.
Il faut ajouter que les tumeurs d'évolution rapide et méchante ne sont pas celles qu'on dépiste le plus au cours des programmes de dépistage systématique non ciblé par la clinique.
Si un dépistage organisé met en évidence des cellules malignes quiescentes (surdiagnostic), la personne considérée à tort comme un malade risque d'être soumise à des traitements agressifs qui ne pourront lui apporter que d'éventuelles complications. Le cancer de la prostate est à cet égard très démonstratif. Des études autopsiques ont montré un pourcentage très élevé de cancers de la prostate occultes chez les hommes âgés morts de causes non liées à ce cancer dès l'âge de 50 ans. Plus 80 % des tumeurs malignes de la prostate sont limitées en dangerosité. Les hommes « porteurs sains » de cancer de la prostate décèdent le plus souvent d'une autre cause.
Le dépistage de cellules cancéreuses abusivement appelé « cancer », latentes, silencieuses et sans risque certain, entraîne des conséquences lourdes et définitives. L'annonce du diagnostic de cancer transforme un homme sain en malade chronique craignant pour sa vie incapable d'obtenir par exemple un prêt immobilier ou un poste à responsabilité. Sa famille, ses amis, ses employeurs le regardent différemment. La personne saine devient malade chronique physique et psychologique, les complications et séquelles des traitements appliqués pour éradiquer ce cancer qui n'en était peut-être pas un, y sont pour beaucoup : la radiothérapie avec son cortège de troubles digestifs et d'incontinence souvent sous-estimée dans les projections initiales des médecins ( sans oublier les drames comme les morts de Lunéville), Après chirurgie, l'impuissance (50%), et la perte du contrôle sphinctérien (30%) diminuent à jamais la qualité de vie de ces hommes encore jeunes qu'on prétend « sauver ».
Car ce dépistage ne diminue pas le risque vital. Aucune des nombreuses études, qui ont tenté de démontrer l'intérêt du dépistage par le dosage sanguin des PSA n'y est parvenu. L'essai américain incluant 76693 hommes suivis en moyenne 9 ans plaide contre le dépistage. L'essai européen qui a suivi 182160 hommes montre un plus faible taux de décès par cancer de la prostate chez les hommes soumis au dépistage mais cette différence trop faible est contre balancée par les complications du dépistage et des traitements inutiles.
Le dépistage du cancer de la prostate par le dosage des PSA n'entraine pas de gain de survie globale. En octobre 2011 le Preventive Service Task Force American a conclu à son inefficacité. L'inventeur du PSA Richard J. Ablin lui-même a énergiquement désavoué le dépistage qualifiant son invention de «désastre de santé publique» du fait de ses imperfections et de son coût démesuré : 3 milliards annuels de dollars aux USA. En France en 2010 le coût annuel a dépassé les 500 Millions d'euros.
Ces études sont bien connues et leur valeur reconnue par tous. Ni la HAS, ni l'INCa ne recommandent plus ce dépistage. Ne mutilons plus inutilement les hommes ! Utilisons plus efficacement l'argent de la Sécurité Sociale. Ne remboursons plus le dosage des PSA chez les hommes qui n'ont aucun signe clinique, les bien portants.
Ne tolérons plus des publicités mensongères sur le sujet. Exigeons une information loyale et médiatique pour inverser la mise en condition antérieure.
Les auteurs américains souhaitent changer la nomenclature et ne plus parler de cancer pour ces lésions in situ mais plutôt parler de «lésion indolente d'origine épithéliale » (Thompson) ou de tumeurs de la prostate de croissance lente (Carroll). De toute façon il faut changer le nom de ces situations intermédiaires, la valeur symbolique destructrice du mot cancer ne disparaitra pas si vite. Pensons au poids du diagnostic de tuberculose il y a deux siècles. Il a fallu de nombreuses décennies pour que l'association automatique tuberculose = mort disparaisse de nos inconscients.
La nocivité du dépistage du cancer du sein est presque aussi certaine du fait du risque élevé des sur-diagnostics et des sur-traitements. Mais vouloir présenter objectivement les risques et les complications de ce dépistage organisé heurte le « bon sens commun »qui n'a rien de scientifique et surtout les intérêts des dépisteurs (2 milliards d'euros annuels en France) et d'une véritable industrie de la communication qui glorifie « les femmes sauvées par le dépistage et la prévention ».
Les féministes désinformées ou/et manipulées s'en sont emparées et pourtant quelles violences faites aux femmes à travers ces dépistages, à commencer par le traumatisme physique douloureux de la mammographie suivie des toutes les angoisses de l'attente du diagnostic puis de la stigmatisation de la « cancéreuse » qui pourtant souvent ne l'était pas... Leur dernier avatar concerne une actrice célèbre qui s'est fait amputer des deux seins, pourtant indemnes de cancer, pour éviter qu'un jour ils ne le soient...peut être…
« La vie est une maladie sexuellement transmissible et constamment mortelle.(..) Toutes les générations précédentes étaient parvenues à appréhender avec une certaine sérénité cet inéluctable destin. Nous en sommes devenus incapables. A la place, nous tremblons de peur ». Pas par hasard !
Depuis l'aube de l'Humanité, la peur de la mort représente une mine d'or et de pouvoir et la promesse de l'éviter (au moins un temps) rapporte gros. Le dépistage du cancer en constitue une illustration depuis le milieu du vingtième siècle, exacerbé depuis l'ère du tout fric. Il est temps d'en sortir !
Nicole Delépine