Le Parisien - Eric Giacometti - 2002
Enquête sur les traitements d'enfants cancéreux.
Enquête sur les traitements d'enfants cancéreux
Article paru sur Le Parisien en Décembre 2002
La justice s'intéresse de très près aux pratiques médicales sur les enfants cancéreux à l'Institut Curie.
Selon nos informations, un des plus grands cancérologues pédiatriques français, le professeur Jean-Michel Zucker, vient d'être mis en examen par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy pour avoir mené sur une petite fille cancéreuse une "recherche biomédicale sans le consentement éclairé des parents". En clair, non-respect de la loi Huriet, une première en justice, dans le cadre de traitements d'enfants cancéreux.
L'affaire s'inscrit dans une enquête plus vaste sur l'Institut Curie suite à l'ouverture d'une instruction par le parquet de Paris en avril 2002.
Tout commence en 1998. Anne et Yann Helary, un couple de jeunes parents de Nanterre, emmènent Iris, leur fillette de cinq ans, en consultation à l'Institut Curie pour une suspicion de cancer des os. Les médecins diagnostiquent un sarcome d'Ewing, une forme assez rare de cancer osseux chez l'enfant.
"On aurait pu sauver Iris"
Le service d'oncologie pédiatrique prend alors l'enfant en charge et décide de lui administrer un traitement standard, mettant en oeuvre de la chimiothérapie, à base d'un médicament, le VP 16, et des rayons mais sans faire d'ablation de tumeur.
"Le chef de ce service, le professeur Zucker, ne nous a jamais expliqué en détail le traitement ni qu'il était aussi possible de faire une opération chirurgicale, d'enlever la tumeur au niveau du sacrum. Ce qui aurait pu sauver Iris", explique Yann Helary.
"Au bout d'un an, Iris était considérée comme guérie. Quelque temps plus tard, elle a fait une récidive et redéveloppé la maladie. Elle avait une tumeur de la taille d'une orange. Personne ne nous avait informés des risques d'une récidive. Elle souffrait horriblement, le professeur Zucker n'a même pas voulu lui donner une pompe à morphine pour soulager sa douleur."
Après bien des péripéties, les parents changent de centre de traitement, et leur fille est enfin opérée. Son état étant jugé toujours inquiétant, elle est prise en charge dans le service du docteur Nicole Delepine.
Ce même service est actuellement au centre d'une polémique sur le manque de personnel de l'unité pédiatrique.
Les Helary, défendus par Maître Lenard, ne sont pas seuls dans leur combat, d'autres familles d'enfants cancéreux ont créé une association, www.ametist.org, pour dénoncer le manque de transparence dans les traitements pédiatriques.
La mise en examen du professeur Zucker va jeter le trouble dans le corps médical, le médecin jouit d'une grande considération auprès des autorités de santé.
Au printemps, l'Igas, saisie par Bernard Kouchner, avait rédigé un rapport qui blanchissait l'Institut Curie.