Conseil de l'Europe - Direction des affaires juridiques, Strasbourg - 1997
Extrait du Rapport explicatif à la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'etre humain à l'égard des application de la biologie et de la médecine.
Extrait du Rapport explicatif à la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'etre humain à l'égard des application de la biologie et de la médecine.
Conseil de l'Europe - Direction des affaires juridiques, Strasbourg
Le présent rapport explicatif à la Convention sur les Droits de l'Homme et la Biomédecine a été établi sous la responsabilité du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe sur la base d'un projet élaboré, à la demande du Comité directeur pour la bioéthique (C.D.B.I.), par M. Jean Michaud (France), Président du C.D.B.I. Le rapport explicatif n'est pas un instrument d'interprétation authentique de la Convention.
Introduction
Le Conseil de l'Europe, grâce aux travaux de l'Assemblée parlementaire et du Comité ad hoc pour la bioéthique (C.A.H.B.I.), devenu Comité Directeur pour la bioéthique (C.D.B.I.), s'est attaché depuis plusieurs années à examiner les problèmes qu'engendrent au regard du sort de l'homme les progrès de la médecine et de la biologie.
Ces études, dans leur ensemble, procèdent d'une constatation et d'une inquiétude.. L'inquiétude tient au caractère ambivalent que revêtent souvent ces avancées. Leurs promoteurs, savants et praticiens, nourrissent un objectif salutaire et souvent l'atteignent. Mais certains des développements connus ou supposés de leurs travaux prennent ou risquent de prendre un tour périlleux par un détournement des ambitions initiales.
La science, dans sa nouvelle complexité et ses considérables prolongements, présente ainsi, selon ce qui en est fait, une face sombre et une face claire. Par suite, il est devenu nécessaire de faire en sorte que le côté bénéfique prévale par une prise de conscience des enjeux et une mise à jour de toutes les conséquences possibles.
L'élaboration d'une Convention est en conséquence apparu nécessaire d'intensifier l'effort t. Cette Convention a été adoptée par le Comité des Ministres le 19 novembre 1996 (3). Elle a été ouverte à la signature le 4 avril 1997...
Le titre décrit cet instrument comme Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la Biomédecine.
L'expression "Droits de l'Homme" fait référence aux principes consacrés par la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
La notion d'être humain a été utilisée en raison de son caractère général. La notion de dignité de l'être humain, également soulignée, désigne la valeur essentielle à maintenir. Elle constitue le fondement de la plupart des valeurs défendues par cette Convention.
L'expression "applications de la médecine et de la biologie" a été préférée, notamment à "sciences de la vie", considérée comme trop extensive.
La Convention couvre ainsi toutes les applications médicales et biologiques sur l'être humain, englobant les applications tant à des fins préventives que diagnostiques, thérapeutiques ou de recherche. Il existe déjà des instruments internationaux qui apportent à l'homme protections et garanties dans le domaine des droits de l'homme tant individuels que sociaux: D'autres textes doivent maintenant y être ajoutés pour qu'il soit pleinement tenu compte des implications potentielles de la démarche scientifique.
Les principes contenus dans ces instruments demeurent la base de notre conception des droits de l'homme. Mais dès ce préambule, il fallait prendre en compte la réalité des progrès de la médecine et de la biologie tout en marquant la nécessité de les utiliser au seul bénéfice des générations présentes et futures.
Ce souci s'est affirmé sur trois plans: le premier plan est celui de l'individu duquel il fallait écarter toute menace issue d'un usage impropre des progrès.
Deuxièmement, il s'agit de la société. En effet, dans le domaine qui nous occupe, davantage qu'en beaucoup d'autres, l'individu doit aussi être pris en tant que partie d'un corps social partageant un certain nombre de principes éthiques et régi par des normes juridiques. Les progrès accomplis doivent, quant à l'application de certains d'entre eux qui impliquent des choix, être connus et recevoir l'aval de la communauté. C'est ce qui justifie l'importance du débat public et la place que lui donne la Convention. Néanmoins, les intérêts en présence ne sont pas égaux; comme il est dit à l'article 2, il y a en principe entre eux une hiérarchie qui traduit la prééminence donnée à l'intérêt individuel sur le seul intérêt de la science ou de la société.
Ce préambule constate les progrès de la médecine et de la biologie qui doivent servir aux générations présentes et futures et non pas subir des déviations contraires à l'objectif qui doit être le leur. Il proclame le respect nécessaire de l'homme comme individu et comme membre d'une espèce.
La Convention a pour but de garantir, dans le domaine des applications de la biologie et de la médecine, les droits et libertés fondamentales de chaque personne, en particulier son intégrité, et de garantir sa dignité...
Le second paragraphe de l'article stipule que chaque Partie doit prendre dans son droit interne les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de la présente Convention.
ARTICLE 2
Cet article affirme la primauté de l'être humain sur le seul intérêt de la société ou de la science.
Priorité est donnée au premier qui, en principe, doit l'emporter sur l'autre lorsqu'ils se trouvent en compétition. Un des domaines d'application important de ce principe concerne la recherche, telle que régie par les dispositions du Chapitre V de la présente Convention. L'ensemble de la Convention, qui a pour objet la protection des droits de l'homme et de la dignité humaine, est inspiré par le principe de la primauté de l'être humain et c'est à la lumière de ce principe qu'il conviendra d'interpréter chacune de ses dispositions.
CONSENTEMENT ARTICLE 5 : RÈGLE GÉNÉRALE
Cet article traite du consentement et consacre, sur le plan international, une règle déjà bien établie, à savoir qu'aucune intervention ne peut en principe être imposée à quiconque sans son consentement.
Le consentement du patient ne peut être libre et éclairé que s'il est donné à la suite d'une information objective du professionnel de la santé responsable, quant à la nature et aux conséquences possibles de l'intervention envisagée ou de ses alternatives et en l'absence de toute pression de la part d'autrui.
L'article 5, alinéa 2, mentionne ainsi les éléments les plus importants relatifs à l'information qui doit précéder l'intervention, mais il ne s'agit pas d'une énumération exhaustive: le consentement éclairé peut impliquer, selon les circonstances, des éléments supplémentaires. Les patients doivent être renseignés en particulier sur les améliorations qui peuvent résulter du traitement, sur les risques qu'il comporte (nature et degré de probabilité), ainsi que sur son coût.
S'agissant des risques de l'intervention ou de ses alternatives, l'information devrait porter non seulement sur les risques inhérents au type d'intervention envisagé, mais également sur les risques qui sont propres aux caractéristiques individuelles de chaque personne, telles que l'âge ou l'existence d'autres pathologies.
Il doit être répondu de manière adéquate aux demandes d'information complémentaire formulées par les patients.
En outre, cette information doit être formulée dans un langage compréhensible.
Le consentement peut revêtir des formes diverses: il peut être exprès ou bien implicite; le consentement exprès peut être verbal ou adopter la forme écrite.
L' article 5, qui est général et recouvre des situations très différentes, n'exige pas une forme particulière. Celle-ci dépendra pour beaucoup de la nature de l'intervention. Il est admis que le consentement exprès serait inapproprié pour de multiples interventions de la médecine quotidienne.
Ce consentement est donc souvent implicite, pourvu que l'intéressé soit suffisamment informé. Cependant, dans certains cas, par exemple des interventions diagnostiques ou thérapeutiques invasives, un consentement exprès peut être exigé. En outre, dans le cas de participation à une recherche ou de prélèvement d'organes en vue d'une transplantation, le consentement exprès et spécifique de la personne devra être obtenu (voir articles 16 et 19).
La liberté du consentement implique celle de le retirer à tout moment et la décision de l'intéressé doit alors être respectée L'information est un droit du patient, mais, ainsi que le prévoit l'article 10, sa volonté éventuelle de ne pas être informé doit être respectée. Cela ne dispense pas toutefois de la nécessité de rechercher le consentement à l'intervention proposée au patient.
ARTICLE 6 : PROTECTION DES PERSONNES N'AYANT PAS LA CAPACITÉ DE CONSENTIR
41. Certaines personnes ne peuvent consentir pleinement et valablement à une intervention en raison de leur âge. Il est par conséquent nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles une intervention peut être effectuée sur ces personnes, afin d'assurer leur protection.
45. Comme cela a été indiqué, les deuxième et troisième paragraphes prévoient que lorsqu'une personne, qu'il s'agisse d'un mineur (paragraphe 2) ou d'un majeur (paragraphe 3), n'a pas la capacité de consentir à l'intervention, celle-ci ne peut être effectuée qu'avec le consentement des parents qui ont la garde du mineur, de son représentant légal ou de toute instance désignée par la loi.
Cependant, en vue de préserver, dans toute la mesure du possible, la capacité d'autonomie de l'individu en ce qui concerne les interventions touchant à sa santé, le deuxième alinéa du paragraphe 2 dispose que l'avis du mineur doit être considéré comme un facteur de plus en plus déterminant, proportionnellement à son âge et à sa capacité de discernement. Cela signifie que, dans certaines hypothèses, qui tiennent compte de la nature et de la gravité de l'intervention ainsi que de l'âge et du discernement du mineur, l'avis de celui-ci devra peser de plus en plus dans la décision finale. Cela pourrait même mener à la conclusion que le consentement d'un mineur devrait être nécessaire, voire suffisant, pour certaines interventions.
Il convient de souligner que la disposition du deuxième alinéa du paragraphe 2 est en harmonie avec l'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant qui dispose que "les États Parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité".
47. Le paragraphe 4 de cet article établit un parallèle avec l'article 5 relatif au consentement en général en prévoyant que la personne ou l'instance appelée à donner son autorisation pour que l'intervention puisse avoir lieu, doit recevoir une information adéquate quant à ses conséquences et ses risques.